La Centrafrique adopte une loi pro-crypto. Faut-il vraiment s’en réjouir ?

En République centrafricaine (RCA), le parlement a adopté un projet de loi réglementant l’utilisation des cryptomonnaies sur l’ensemble du territoire national. Cette disposition fait de la Centrafrique le premier pays d’Afrique à légaliser les crypto-actifs. Si cette nouvelle peut sembler réjouissante pour les amateurs de cryptos, ses tenants et aboutissants jettent le discrédit sur l’ensemble du processus. Le but de cette législation est-il réellement de permettre aux populations de profiter des avantages offerts par cette technologie, comme l’affirment les décideurs politiques du pays ? Ou est-elle destinée à couvrir les activités d’un opérateur économique prétendument véreux ? Pour les plus initiés, cette nouvelle réglementation suscite plus de questionnements que d’euphorie.
Un petit clap pour l’homme, un grand clap pour la Centrafrique
Jeudi dernier, la Chambre des représentants, siégeant en formation plénière, a approuvé à l’unanimité par acclamation le Projet de Loi Régissant la Cryptomonnaie en République Centrafricaine.
Grâce à ce projet, le gouvernement centrafricain entend instaurer un cadre réglementaire pour réguler le secteur des crypto-actifs. Cela devrait également permettre de lever les obstacles qui entravent les transactions financières dans le pays.
«En tant qu’individu, envoyer de l’argent en République Centrafricaine d’ailleurs, devient très difficile et également recevoir de l’argent en provenance de la République Centrafricaine est complexe», a déclaré Justin Gourna Zacko, Ministre centrafricain des Postes et Télécommunications.
Tout d’abord, ladite loi met en lumière la possibilité de payer ses impôts en cryptomonnaies via des plateformes agréées.
Ensuite, elle oblige les marchands à accepter les cryptos comme moyen de paiement pour l’achat de biens ou de services. Une décision somme toute excessive quand on sait que toute personne qui violera ces prescriptions encourra une peine de 20 ans d’emprisonnement et une amende de cent millions à un milliard de francs CFA.
Par ailleurs, les élus du gouvernement prévoient la création d’un trust par la Banque centrale pour assurer la conversion automatique et instantanée des crypto-actifs en monnaie fiduciaire.
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Quelles sont les implications de l’adoption de cette loi ?
En principe, pour les pays de la zone CEMAC, c’est la COSUMAF (Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale) qui est l’autorité en charge de la régulation des marchés financiers et en l’occurrence de celle des cryptomonnaies. Cependant, à l’heure actuelle, rien n’indique que cet organisme ait été consulté à ce sujet. Par conséquent, l’application de ce texte de loi demeure pour l’instant abstraite.
De plus, cette loi peut se targuer de contribuer à vaincre l’hégémonie du Franc CFA en RCA. Ainsi, il faut s’attendre à une réaction défensive musclée de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), qui est chargée d’émettre la monnaie fiduciaire en Afrique centrale.
Par ailleurs, cette législation survient après qu’un récent rapport du Fonds monétaire international (FMI) ait été publié pour mettre en garde contre l’utilisation généralisée des crypto-actifs. Cette décision pourrait donc détériorer les relations entre le pays et le FMI, qui lui apporte un soutien économique important.
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Quel est le rapport avec Liyeplimal ?
Relayant cette actualité, certains médias ont vanté les mérites d’un seul homme. En effet, selon ces derniers, la personne à l’origine de cette réforme est Emile Parfait Simb, le promoteur du projet LIYEPLIMAL.
Pour rappel, il s’agit d’un système pyramidal qui propose aux investisseurs d’acheter des placements de produits douteux sous couvert de crypto-monnaies. Récemment, le projet a fait l’objet de critiques de la part de ses souscripteurs qui revendiquaient le paiement de leurs intérêts, accusant Simb d’avoir détourné des milliards de francs CFA.
En effet, ce dernier serait connu en Afrique centrale pour avoir promu de nombreux projets qui se sont avérés être frauduleux. C’est pourquoi son récent rapprochement avec Simplice Mathieu Sarandji, le président de l’Assemblée nationale de la RCA, a été controversé.
Certains experts s’accordent donc à penser que l’adoption de cette loi, que l’on peut qualifier de soudaine, vise à faciliter le développement des activités illicites de Simb en RCA.
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La toile de fond de l’adoption de cette loi n’est pas clair. Si l’initiative est à saluer, nous regrettons une certaine négligence qui pourrait affecter significativement l’économie du pays. De plus, forcer les commerçants à accepter les paiements en crypto n’est-il pas une violation de leur liberté ? C’est bien dommage quand on sait c’est cette valeur qui est derrière la création des cryptomonnaies.
2 commentaires
L'Ouganda interdit aux opérateurs mobile money de faciliter les achats de cryptos · 4 mai 2022 à 13h34
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La COBAC interdit les cryptomonnaies en zone CEMAC. Quid de la RCA ? · 16 mai 2022 à 17h09
[…] nouvelles mesures sont prises après que la République centrafricaine (RCA) ait adopté le Bitcoin comme monnaie légale le 27 avril […]